2022, Ensenhadors / Sommaires, Lectures et Traductions

Rodez, maison Daulhon dite d’Armagnac

Texte : per Olivièr Daillut-Calvignac (article extrait du site : eraldica-occitana.com)

En plein centre ville, la petite place de l’Olmet marque l’emplacement de l’arbre où les comtes de Rodez (12) rendaient la justice au pied de leur château. C’est ici que l’on peut découvrir un des bâtiments les plus beaux et intéressants de la capitale rouergate. Aujourd’hui, on l’appelle « maison d’Armagnac » en souvenir des comtes d’Armagnac et de Rodez qui y auraient vécu. Cet hôtel monumental qui fait l’angle entre la place et la rue du Bal est un exemple caractéristique de l’architecture de transition entre le Moyen-âge et la Renaissance. Il fut bâti au 16e siècle par une famille patricienne du Bourg de Rodez : les Daulhon ou d’Aulhon.

On peut y observer deux écus portant les armoiries de cette famille : « de … au lion de … au chef de … chargé de trois étoiles de 8 rais de … ». Ce sont probablement des armes parlantes si on considère la prononciation occitane du nom Daulhon comme « dau lion ».

Le premier se voit du dehors et orne le vantail central de la porte d’entrée de bois joliment sculptée qui mène à la cour intérieure de la maison. L’écu en cartouche est supporté par deux licornes et accompagné d’un listel et d’autres décors. De chaque côté se trouvent deux autres vantaux ornés de deux médaillons présentant des bustes d’hommes de profil dont l’identité est inconnue. Ces huisseries de bois, qui ont fait probablement partie d’une restauration postérieure, semblent cependant avoir été réalisées à l’identique. Elles sont en tous cas dans un état de conservation remarquable et suivent bien le style architectural du bâtiment.

Le second se trouve dans la cour intérieure, sur le tympan, au-dessus de la grande porte qui mène aux escaliers qui desservent les étages de la maison. On y retrouve les deux licornes comme supports et nous observons bien sur cette figuration authentique que ce sont bien des étoiles de huit rais qui chargent le chef de l’écu.

Un lignage de marchands anoblis

La famille Daulhon1 semble tirer son nom du village d’Aulhon proche de Laguiole (12) sur le plateau d’Aubrac. Apparemment, ce lignage bourgeois vint s’installer à Rodez au cours du 15e siècle et on trouve un Hugues Daulhon, marchand du Bourg en 1437. Il s’occupe alors de commerce de peaux de moutons et gère une auberge, située place de l’Olmet. Il sera consul du Bourg en 1455 et 1463. Un Géraud Daulhon (peut-être son fils), marchand et banquier, lui succède comme consul du Bourg en 1489, 1500, 1505 et 1512.

Quelques détails du décor de la façade.

C’est avec le fils de ce dernier, Hugues Daulhon, que le lignage va atteindre le maximum de sa puissance.

Il se marie en 1504 avec Catherine de Gignac et achète de 1512 à 1527 d’importants domaines autour de Rodez. Ainsi, il peut se déclarer seigneur de La Combe et La Roquette (lieux-dits, commune d’Onet-le-Château, 12) et donc accéder à la noblesse. Il maintient la présence familiale au consulat du Bourg de façon régulière (1518, 1523, 1531 et 1548). Il développe ses activités bancaires vers l’étranger et ouvre une banque à Toulouse, ce qui ne l’empêche pas de continuer le négoce de matières premières (blé, cuivre en plaque…).

En plus de tout cela, il se tourne vers les offices financiers de l’Église : en 1520, il est commis à percevoir les dîmes dans les diocèses de Rodez, Cahors et Albi ; en 1534, il est fermier du temporel de l’évêché de Rodez pour le cardinal d’Armagnac ; il s’occupait aussi des finances du couvent des Cordeliers de Rodez. C’est lui qui fit bâtir à la place de l’auberge familiale, cette grande maison, dite d’Armagnac, qui illustre si bien l’architecture civile de la Renaissance aux alentours de 1530. Il fit son testament en 1546 et demanda à être enseveli dans sa chapelle de l’église Saint Amans de Rodez, dans le tombeau de ses parents.

Vues de la cour intérieure de la maison.

Après lui, le lignage décline. Son fils Amans, seigneur de La Roquette, sera consul du Bourg de Rodez en 1556, 1566 et 1571. François, fils d’Amans, semble être mort assez jeune et sans descendance.

Après lui, le lignage décline. Son fils Amans, seigneur de La Roquette, sera consul du Bourg de Rodez en 1556, 1566 et 1571. François, fils d’Amans, semble être mort assez jeune et sans descendance.

Le frère de Hugues Daulhon, Jean d’Aulhon, implante pour sa part ses activités à Lyon (69) et fait aussi fortune. En 1528, il est qualifié de noble et est seigneur de Chiel2 (à une vingtaine de km au nord de Lyon, cne de Lucenay, 69), Bouzol (cne d’Arsac en Velay, 43) et Servissac (St-Germain-Laprade, 43)3. Il se déclare au même moment comme bourgeois de Lyon4 dans le contrat de vente que lui fait son beau-père Bertrand de Castelpers, de la baronnie de Servières en Gévaudan (48) pour la somme de 8 000 livres tournois5. Après sa mort, en 1555, deux de ses fils visiblement très endettés, Jacques d’Aulhon, valet de chambre ordinaire du roi et Philippe d’Aulhon, ancien receveur de l’impôt de l’équivalent de Lyon, vendent les seigneuries de Servières et de la Chartonnière en Lyonnais (Ouilly, cne Gleyzé, 69) pour 14 000 livres tournois à leurs créditeurs. François et Pierre d’Aulhon, frères des vendeurs, sont témoins de la vente. G. Jourda de Vaux6 nous apprend aussi que le même Jacques d’Aulhon, seigneur de Chiel, vendit des droits sur le village de Jarnioux (69) en 1561 et que cette vente fut ratifiée en 1566 par son frère Philippe, seigneur de La Chartonnière.

Selon l’Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais d’A. Steyert7, les d’Aulhon, barons de Bouzols portaient « d’azur à trois demi-vols ou ailes d’or ». Malheureusement, la notice consacrée au lignage y est tellement ténue et sans source que l’on n’y trouve guère d’information qui pourraient nous renseigner sur ses destinées comme sur cette identité héraldique qui pourrait être parlante ou allusive8

Certaines autres sources9 prétendent que la famille d’Aulhon-Servières portait un « écartelé d’azur à la croix bretechée d’argent ; et d’azur au lion d’or ». Cependant, comme souvent dans ces ouvrages héraldiques du 19e siècle, l’absence de source rend difficile toute vérification. Au contraire, M. de Saint-Allais10 donne ces armes pour une famille d’Aulon de Bourgogne, quant à O.de Poli, récusant cette origine géographique, il attribut cet écu écartelé à la famille d’Aulon de Bigorre et Comminges11. A notre avis, seule la présence d’un lion dans l’écartelé pourrait rattacher ces armoiries à celles des Daulhon du Rouergue, mais la grande fréquence de cet animal héraldique invite à la plus grande prudence.

  1. Sauf mention autre, les informations qui suivent sont tirées de  J.Bousquet, Enquête sur les commodités du Rouergue en 1552, Privat 1969 p.105 e seq.
  2. Sur ce domaine voir https://archives.rhone.fr/ark:/28729/t1wm3jsgz6xb Jean en fait l’hommage en 1520. Ce fief passa par alliance à la famille de Gaspard en 1567 A. Steyert, Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais,  Lyon, 1860, p.5 e p.43
  3. Les châteaux de Bouzols et de Servissac en Velay, situés à l’est du Puy, furent achetés en 1525 par Jean d’Aulhon à François de La Tour d’Auvergne pour 10 000 livres tournois. Il revendit ces domaines en 1535 à Antoinette de Polignac, tutrice de François de La Tour d’Auvergne junior.
  4. Il fut échevin en 1520 d’après M.de Saint-AllaisNobiliaire universel de France, T.3 – 2, 1875, p.99.  
  5. Cette vente intervint après la mort de Charlotte de Castelpers (1528), femme de Jean et correspondait au douaire de la défunte. Elle comprenait les dépendances de Vans (Les Vans, 07) et Naves (07) – voir https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=fr&n=de+castelpers&oc=1&p=bertrand d’après Archives de Lozère E.122 e E.125.
  6. Le nobiliaire du Velay et de l’ancien diocèse du Puy, tome 7 p.240.
  7. A. Steyert, Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais,  Lyon, 1860, p.5
  8. Les ailes d’Aulhon pourraient évoquer l’âla et son diminutif alon en arpitan.
  9. L.-A.Duhoux d’Argicourt , Alphabet et figures de tous les termes du blason, Paris, 1896.
  10. Nobiliaire universel de France, T.3 – 2, 1875, p.100.
  11. Annuaire du Conseil Héraldique de France, 1901, p.8.

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