par Claude Rousset
Le terme de géodiversité est désormais devenu presque aussi classique que celui de biodiversité. Il souligne le fait que les objets géologiques, roches, fossiles, paysages… présentent des variations tout aussi intéressantes que les êtres vivants dont ils constituent le substrat, les témoins du passé ou le cadre de l’existence.
Comme la biodiversité, la géodiversité fait l’objet d’inventaires : en France, le recollement de ses éléments fait partie des tâches du Conseil National du Patrimoine Naturel, le CNPN, qui le délègue aux Conseils Scientifiques Régionaux, les CSRPN, et à leurs émanations, les Comités Régionaux du Patrimoine Géologique, CRPG. Le tout fonctionne sous l’égide de notre Muséum National d’Histoire Naturelle, MNHN, noble institution basée à Paris et qui a gardé le nom ancien des sciences de la nature, du vivant comme du minéral…
Ainsi se perpétue la notion du déroulement dans le temps – donc de l’histoire – d’une évolution qui ne concerne pas que le vivant !
Quand on examine une construction humaine, on constate que, jusqu’à une époque récente, ce sont surtout les matériaux bruts, le bois et les roches, qui ont été utilisés. Il est rare que le premier supporte longtemps les outrages du temps : un puits d’eau salée du Néolithique a quand même livré des étais en bois dans le réserve géologique de haute Provence (RNNGHP). En général, la pierre résiste mieux, suivant sa nature, comme le montrent les dolmens, les menhirs et autres mégalithes (Fig.2). Le plus souvent, elle témoigne d’un lieu d’extraction proche (Fig. 3 page suivante) mais il advient, depuis la plus haute antiquité, qu’elle ait fait l’objet d’un transport lointain qui nous indique l’intérêt que nos anciens portaient et au matériau (marbre de Carrare) et (ou) à l’objet de leur travail (statuaire antique, cathédrale de Maguelone, tombeau du Maréchal de Saxe…).
Dans notre haute Occitanie, ces quelques considérations s’appliquent au patrimoine bâti comme aux objets remarquables que sont les mégalithes, les statues ou, depuis l’aube de la Chrétienté, des croix, jalons dispersés dans la nature, le long des axes de cheminement. Prenons le grès du Permien, le rougier régional, la ruffe… La cité de Villecomtal est bâtie sur lui et avec lui comme le pont (Fig. 4) et les vieilles maisons d’Espalion. On le retrouve aux alentours immédiats de ses rares affleurements de Lozère dans de vieilles maisons de Lescure (Fig. 5 et 6) ou de la Canourgue. Mais, pour rester sur ce nord des Causses, il a été transporté pour des constructions plus prestigieuses comme l’église de Saint-Pierre de Nogaret ou le château de Nogaret dont il ne reste rien, sinon des pierres taillées en remplois dans le hameau (Fig. 7). Le grès était alors réservé aux cadres de portes ou de fenêtres car il se prête bien à la taille. Pour le même usage mais dans un registre sombre, on utilisait la vaugnérite en Margeride (Froid Viala, Fig. 8) et la fraidronite en Cévennes (Notre-Dame de Valfrancesque (Fig. 9), cadres de fenêtres de la Patache à Saint-Roman de Tousques). Ces deux roches filoniennes, proches du granite, se taillent beaucoup mieux que celui-ci. À remarquer aussi la non-utilisation de roches présentes mais difficiles à mettre en œuvre à certaines époques comme le basalte dans l’art roman (Fig. 10 et 11).
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